mercredi 4 avril 2012

Sang l'eau

Une fois n'est pas coutume, voilà un petit avertissement concernant la lecture du texte du jour.
Il s'agit d'un vieil essai sur lequel j'ai remis la main recemment, assez sombre ou desespéré. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit. c'est en fait un exercice de style, un travail de commande, et pas une catharsis pour évacuer je ne sais quoi. C'est plutôt un challenge que je me suis fixé, dont je ne suis pas très content, en fait. Mais bon, à vous de juger ou pas.
Même si évidemment il y a des sources d'inspirations (qui ont toute mon amitié) et qu'on écrit toujours un peu en fonction de soi et des gens qui nous sont proches, ce qu'on appelle modestement l'environnement de l'auteur (lol) toute ressemblance avec ma vie serait quand même fort truite. Non mais vraiment, j'insiste là dessus. Qu'on vienne pas après me prendre le pouls ou me tapoter dans le dos en disons allons allons. En gros, c'est pas parce que c'est écrit à la première personne que c'est moi qui parle. Voilà. :o

J’aurai aimé ça. J’aurai aimé qu’on me dise ça, qu’on me dise des choses comme ça. J’aurai aimé être un autre pour toi, être celui qu’on prend dans ses bras, être celui que tu attendais, ou que tu n’attendais pas justement. J’aurai aimé être ce pour quoi ton cœur bat.

All is over now. Parce qu’en anglais, ça pète plus. Mais ça reste vrai et si paradoxale. Si tout est fini, alors personne n’est là pour le dire. Et pourtant, je suis là, moi. Je reste là, à l’arrière. Je suis la silhouette qui s’éloigne dans le retroviseur et qui disparait pour de bon au premier virage, la langue de terre à la poupe qu’on voit s’enfoncer et disparaitre submergée par les flots, et bientôt il ne reste plus rien que le cri de quelques mouettes pour rappeler que c’était là et que quelqu’un y vivait, sur ce rivage. Derrière ce virage, les mots s’enfuient sans demander leur reste, et dans l’alignement des phares, seul demeure un pauvre type à l’amer.

Je ne suis rien. Moi, je ne suis rien. Et ces putains de paradoxes encore qui me foutent en l’air. Garce, pute, salope, tu m’as trompé et t’avais bien le droit, oui, tu ne m’as jamais rien promis, jamais rien dit. Nous n’étions rien l’un pour l’autre. Alors quoi ? Nos existences auront été deux ailleurs, deux nébuleuses qui se croisent et pourtant ça n’arrive jamais. Alors faisons comme si tout cela n’était jamais arrivé. Ce ne sera une épreuve que pour moi. Mes mots pèsent bien peu face à cette ire honnie. Ils ne sont rien, parce qu’ils sont faux mes mots à moi. Tu as toujours feint de croire le contraire. Mais regarde, putain, regarde, même maintenant, je triche et je mens. Jamais je n’arrive à leur donner la substance, la forme que je veux. Je suis un forgeur d’épée de pacotille, de lame de spectacle. Elles brillent mais ne coupent pas, elles sifflent, traçant l’air de quelques étincelles qui captent l’œil. Et puis applaudissement, et puis rideau et retour au vestiaire de l'anonymat. C’est bien la seule chose qu’elles fendent, mes épées. De l’air, du vent, du vide et du rien. Le néant sémantique.
Mes mots sont le bruit que je fais pour oublier que je suis mort, que je suis mort en dedans, plusieurs fois déjà. On me tue, je renais un peu parce que la vie, c’est ça, ce n’est qu’une succession de crimes sans victime, d’attentats personnels, d’assassinats de soi et de meurtres intimes. Alors je revis pour encore mieux mourir la fois d’après, avec plus d’allant, plus de classe, plus de panache. Car voilà bien la seule chose que je sais faire, chuter avec classe.

Je ne demandais rien, juste que d’être pour une fois un individu normal. Juste ressentir une fois le fait d’être aimé non pas pour ce que l’on est ou pour ce que l’on représente ou ce que l’on est capable de produire, ou pour le masque que l’on prend, ou la pose que l’on adopte. Ou les positions sur lesquelles on s’arrête et qui se révèlent finalement postures. Juste aimer, juste être aimé, juste ça. Juste être aimé à un niveau moléculaire, atomique. Aimer à s’en peter les neutrinos, vous voyez le genre ? Et ? Et c’est tout. Je ne demandai rien de plus.

Je n’ai pas à lire ça. Je n’ai pas à le lire, putain, c’est de la merde. Je voudrais ne pas l’avoir lu mais c’est trop tard. Tu l’as écris, tu as ouvert ton cœur, tes cuisses, ton cul, bien large, tu as tout donné, tout ce que tu ressentais et c’était beau et t’en avais bien sûr le droit. Moi, je n’avais pas le droit de le lire mais je ne le savais pas.

Je ne savais pas que ça me tuerait, que ça me prendrait à la gorge, aux tripes, que ça m’enfonçerait cette lame rouillée dans le bide et que ça tournerait sans cesse jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien qu’une mélasse infame, une chiasse de sentiments. J’aurai voulu être lui à cet instant. Etre capable de ça, être capable de mettre les mots aux bons endroits pour te voir t’illuminer à ton tour.

Cet épanchement de glaire sentimentale puant la rose et les bons mots mielleux de milles connasses intellectuelles qui n’ont jamais voulu choisir entre « Marie-France » et « Esprit ». Je l’ai lu. Et j’ai dégueulé. Je ne suis pas qu’un esprit, moi non plus. Je suis incapable de faire ça. A quoi bon ? Ce n’est pas moi. Antithèse romantique. Je plaide coupable. J'assume. Qu'on me coffre, je m'évaderai de toute façon.

Bien sûr, je passerai au dessus de ça, même en dessous de tout, j’en serai encore capable. Putain d’ascèse, c’est pas comme si je n’avais pas l’habitude, hein ?

La vie, ma vie. Ah, quel kiff d’être moi. Vous ne vous rendez pas compte. Le pire c’est qu’on pourrait croire que ça me flingue. C’est le contraire. J’en ris, putain, j’en ris, je ne fais qu’en rire. J’en chiale de rire, faut il être con ? Parce qu’il n’y a que ça qui compte au final. Je ne crains pas les chimères dépressives, parangons des pharmacopées. Je ne te crains pas, non. Et je n’ai pas peur de la suite. Je ne crains pas la mort de l’âme.

Je ne suis jamais plus vivant que dans la douleur. Je ne suis jamais plus grand que dans la chute, je ne suis jamais plus en vie que dans la mort.

Et tu le sauras.

A toi lecteur breton ou assimilé, sauras tu retrouver l'excellent jeu de mot maritime que j'ai caché dans le texte ?

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