jeudi 9 février 2012

Toast

You know, you remind me of a poem I can't remember, and a song that may never have existed, and a place I'm not sure I've ever been to.

Je lève mon verre à tous ceux que je ne suis pas, à la multitude des vies que je n’ai pas choisies, que je n’ai pas subies. Où sont-ils donc, les autres moi-même des autres univers où je n’existe pas ? Dans quel plan d’existence ont-ils glissé. Quelle réalité parallèle à la notre les abritent ? Sont-ce mes reflets ou suis-je le leur ? Ô Ambre, Ambre, cité mythique, mère des civilisations. Les caches-tu ? Arpentent-ils tes rues pavées de cristal ? Quel est leur plan, quels sont leurs plans ? A vous, que vos vies soient douces, que vos choix comme vos non-choix génèrent le chaos des échos des milliards de vies et configurations d’existence que l’on puisse imaginer, une infinité de destin allant au gré des inspirations humaines, comme les aigrettes des pissenlits, dérisoires montgolfières végétales, méduses diaphanes portées par les vents chauds d’ouest, par le souffle de gosses hilares, ou plus rarement par celui de quelques adultes à l’âme d’enfant éternelle. Ils ont pris soin de s’assurer au préalable que l’on ne les regardait pas. Pourquoi ?

Plaisir fugace, je lève mon verre à leur santé à eux, à ceux qui profitent des joies simples. Je lève mon verre à toutes ces facettes de l’Homme, autant d’occurrence de vie, autant de potentialité de vie, de vies humaines, faites de plaisirs, de bonheurs, de joies, de peines, de trois fois rien, de rien du tout, de tout ou rien, de bobo aux genoux, de bisous dans le cou (surtout ça), de claque dans la gueule, d’illusions amènes aux désillusions amères, de désesperance en malchance, de tempérance en rémanence et en un tas d'autres rimes en anse sauf pastèque. A ceux qui chie la vie, A tous les possibles improbables, à tous les ailleurs incertains, à toutes les autres vies que je ne vivrai sans doute pas. A vous qui dites « sans doute » certainement comme moi, en lui donnant le sens de « peut-être ». Mais sans doute n’est pourtant que la confirmation funeste du certain.

Les vies des autres sont les étoiles que je ne vois pas, celle qui avancent sous la ligne d’horizon, dans des cieux que j'ignore. Découvreur d'un monde balbutiant, aventurier du bout du salon, je ne les vivrais pas. N’est ce pas triste ? N’est ce pas joyeux d’ignorer ? Lovecraft disait que ce qui sauve l’homme de la folie est sa capacité d’abstraction au pire. L’abstraction au béant de l’infini, au vide rempli de milliards de destinées qui ne sont pas la mienne. Quelle angoisse. Il y a de quoi devenir barge, ne pouvoir être que soi, quand autant d’existences nous aiguillonnent et nous inspirent- J'aimerais etre toi, un jour, une minute, un instant, le temps d'un souffle, sentir le tien au travers du mien. Un parfum. L'espace d'un geste, l'esquisse d'un geste, etre toi, vous, whoever. Les gens qui les hanteront ces existences ne seront même pas des fantômes pour moi. Loin des yeux, mais ils sont là, pourtant, l’ont été, le seront, longtemps après moi. On ne peut nier ce qui vit, quelque soit sa religion, son dogme. Nul besoin de ressentir l’autre pour savoir qu’il est là. Il suffit d’y penser. Alors, je lève mon verre à ceux qui existe même au delà de mes pensées. Depuis que le monde est monde, depuis que l’homme est sapiens, notre Terre a porté 81 milliards d’êtres humains. 81 milliards de vécus collatéraux, 81 milliards de naissance, 81 milliards de cris, 81 milliards de vies. Et parmi celles-ci, une seule que je connais, une chance sur 81 milliards d’être moi, ou une malchance, peut-être, c’est selon. Une chance d’être là, avec toi, avec vous, de te connaître, de vous connaître, porteurs chacun à votre tour d’une chance sur 81 milliards d’être ce que vous êtes. Ce qui nous unis est ce que nous sépare. Je lève mon verre à tous ceux là, tous ceux que je ne suis pas. Mes 81 milliards de reflets différents et pourtant réunis par la chair, par le cœur, par l’esprit. Merde, ça sonne comme un cantique, un sermon d’Eglise. L’humanisme est-il un dogme ? Je lève mon verre aux charognes de 81 milliards de cadavres, certains marchent encore. Je suis de ceux-là, vous aussi. Notre destin commun est la Terre, le feu, le vent, la poussière. Le retour au néant, notre fin programmée. Ne soyez pas tristes. Pas de vie après la mort. Pas la notre tout du moins. Mais nos atomes serviront à construire d’autres vies. Nos atomes ont peut être servi à abriter d’autres vies que la notre. Sommes-nous ce qui nous constitue. Est-ce la matière qui est nous ? Je lève mon verre au doute de l’existence, je lève mon verre à la certitude de la Mort. Alors trinquons, mes amis, trinquons avant que le dernier plat ne passe. Jouissons du simple fait de vivre. Car tout, dans cet univers, n’a pas cette chance.

1 commentaire:

C'est là qu'on laisse son petit commentaire, une seule règle : être poli. Oh pi non, on s'en fout !