jeudi 2 juin 2011

Clebard du Bassinet

Prêt en bulle : Le texte du jour est ce qu'on appelle couramment un fanfic, une fiction écrite par un fan d'une œuvre originale et rendant hommage à l'écrit. En clair, une histoire écrite à la manière de. Le de en question, c'est Justine Niogret, l'auteuse d'un certain livre vachement bien qui s'appelle Chien du Heaume, qui est un peu aussi le genre de bouquin qui m'a donné envie de me mettre à écrire des conneries moi aussi, :o , et dont, hasard du calendrier (mon oeil) la suite des aventures vient de paraître. (Mordre le Bouclier, en vente dans toutes les bonnes crêperies). 
Le principe du fanfic, c'est de reprendre quelques personnages, quelques décors ou tout simplement l'univers de l'auteur dans son integralité et d'en faire un truc personnel et mieux. On peut ainsi jouer à réécrire des chapitres mais d'un point de vue différent, ou jouer à créer des scènes qui figurent pas dans le bouquin mais qu'on aurait bien aimé y voir quand même. On peut aussi jouer aux petits chevaux mais moi j'arrive jamais à faire des 6 alors je préfère faire des fanfic. En plus, ça fait cool de dire fanfic...

Pour bien comprendre toutes les subtilités du présent texte, je ne saurais que vous conseiller de lire le livre avant. C'est pas obligé mais bon. Ça se fait aussi. Pour ceux qu'ont vraiment pas envie, sachez juste, pour situer l'intrigue, que ça se passe grosso-merdo au temps des premières croisades quelque part en Bretagne polaire, dans un chateau plein de courants d'air. Et pour les personnages, on a donc :
- Chien du Heaume qui n'est pas un chien, et n'a même pas de heaume, de qui se moque t'on ? Et qui est en fait UNE mercenaire farouche qui se défend niveau combat à la hache .
- Son pote Bruec, le chevalier sanglier, qui est pas un chien non plus, ni un sanglier mais pas loin quand même...

Hum, hum...

Encore un hiver au Castel de Broe. On commençait à en avoir marre de ces hivers. À croire qu'il n'y avait que des hivers dans ce patelin de merde. D'ailleurs, c'était le cas. La nature n'y était que succession d'hivers. Le printemps se résumait, pour toute pluie, à la fonte brutale et soudaine de toutes les neiges qui recouvraient forets, champs, maisons, rivières, animaux et gens. Les plus chanceux des malchanceux qui étaient surpris par les brusques chutes de neige du début de l'hiver, pouvaient espérer décongeler à cœur et servir ainsi de pondoir à quelques mouches parmi les espèces endémiques, juste avant le retour du froid. Le printemps laissait juste le temps nécessaire aux rares paysans qui habitaient encore la région, ceux qui étaient trop lent pour s'enfuir,  pour retourner deux radis et trois navets.
L'été succédait alors très vite au printemps, et durait en général un jour, "et encore, pas tous les ans" disaient les anciens. Mais le soleil se rattrapait correctement ce jour là. A la façon de l'étudiant procrastinateur, tout ce qu'il oubliait de chauffer le reste du temps, il le concentrait sur une seule journée en une vaine tentative de se faire pardonner son absence des trois cent soixante-quatre autres jours de l'année. On avait alors tout juste le temps de rôtir comme une merguez oubliée, tombée dans les braises d'un barbecue de camping, un soir d'arrivée du Tour de France au sommet du Tourmalet.
L'automne suivait immédiatement. Mais le soleil, lui, évitait alors discrètement le coin. Probablement que quelqu'un l'avait mal considéré un jour dans les environs, le traitant de naine blanche, de feu follet décati ou de lune du pauvre, ou une quelconque autre acidité perfide dont tout corps céleste composé de milliards et de milliards de tonnes de matière en fusion peut légitimement s'émouvoir.
Depuis, à l'automne, le soleil faisait du boudin, passait un coup en rase motte, vite fait comme ça, histoire de faire roussir trois feuilles et qu'on ait un peu de quoi voir plus loin que son verre de pif. Et puis il décanillait pour le reste de l'année. On ne pouvait pas dire que cette Terre était maudite, puisque cela aurait impliqué que quelqu'un d'assez déterminé aille de son plein gré maudire les lieux et y parvienne. Cette terre là, on aurait bien voulu la maudire mais on attrapait inévitablement une pneumonie avant d'arriver au bout des incantations nécessaires. Cela était du aussi au fait que les rituels incantatoires demandaient en général de se tenir nu et immobile durant de longues heures sous des cataractes. La sorcellerie ne sacrifiait jamais l'aspect esthétique de sa pratique à l'efficacité, c'était une question de principe et les autorités sorcelières étaient très à cheval là-dessus.
Et l'hiver revenait alors. Inlassablement. Et ce n'était pas des hivers d'invertis ou de pucelles qu'on avait au castel de Broe. Ça, non, ma mie, on se pelait la marinade quelque chose de copieux. C'était des hivers que personne ne pouvait décrire, pas même les meilleurs conteurs, parce que les encres gelaient dans les plumes, et les mots ne montaient pas dans les gorges verglacées des bardes et ménestrels, même avec une bonne paire de chaîne.
C'étaient des hivers où même le froid se refusait à sortir sans la tenue adéquate. Le vent sifflait à contrecœur, tenu par sa fonction, pour amener parfois un mot d'excuse pour la neige, qui ne pourrait pas venir, parce qu'il était hors de question que sa mère la tempête lui laissât mettre un flocon dehors dans ces conditions. Des hivers à ne pas mettre un russe bourré dehors. Des hivers à faire passer les goulags pour des annexes du club med(iéval). Des hivers à vous transformer la couenne en glace au saindoux avec un coulis à la viande par dessus quand même. Et servi dans un cornet, c'est meilleur parce que ça fond et ça coule et c'est dégueu et c'est ça qu'est bon.
Bruec était assis sur un banc, à compter ceux de ses doigts qui avaient gelé. C'était pas évident parce que comme ils étaient tous gelés, il ne lui restait plus assez de doigts valides à plier pour faire l'addition. Il avait essayé avec l'index mais la première phalange avait préféré rompre et lui rester dans la paume, plutôt que de se plier. Comme quoi, des fois, les fables, c'est des conneries. Ça allait être emmerdant pour montrer les gens ou les directions ou pour commander des coups à la taverne. Il pourrait obtenir plus que des demis avec sa moitié de doigt.

De toute façon, il aurait pas été plus avancé de garder son doigt. Bruec, il ne savait compter que jusqu'à un. Il ne lui avait jamais été nécessaire de pouvoir compter plus loin vu que c'était toujours par un qu'il éventrait ses ennemis. Et même si c'était plusieurs ennemis qui se ramenaient, on avait qu'à dire que c'était un groupe d'ennemis, comme ça, ça en faisait toujours qu'un seul à déglinguer. Et Bruec, en un contre un, il craignait personne. Le un simplifiait beaucoup les choses. Un château, une hache, un gros tas de connards à dégommer et un paquet de doigts gelés. Tout pouvait marcher par un, et du coup, les mathématiques, c'étaient finalement pas aussi compliqué que ce qu'en disait les grecs.
Chien du Heaume le surprit dans ses pensées en lui abattant lourdement un jambon d'une livre et demi sur l'épaule.

- Ah c'est toi Chien ? Je ne vous avais pas entendu venir, toi et ta cotte de maille, parcourant de concert ces grands couloirs qui résonnent à mort au moindre petit son. Pourquoi tu m'attaques à coup de jambon ? s'étonna judicieusement Bruec.
- Ah ben dis donc, on peut pas dire que c'est la galanterie qui t'étouffe, toi ! rétorqua finement Chien. C'est pas un jambon, je te ferais dire, c'est une de mes pognes. Mais forcément comme elle a gelé et un peu foncé et rougi, ben elle tient plus du gigot écarlate bruni que de la délicate senestre de jouvencelle, excuse moi de te décevoir. fit Chien d'une mine renfrognée, enfin, c'est à dire plus renfrognée que d'ordinaire. En vérité, elle était tellement renfrognée que ses sourcils venaient s'imprimer dans ses joues.
- Bon, je m'excuse mais honnêtement, c'est la première fois que je te vois t'émouvoir de pas recevoir les égards propre à ton…euh, à ta, euh, disons…à ta masculinité contrariée. Et quand je dis propre, c'est une façon de parler aussi.
- Ouais, ben, y'a un début à tout. Va falloir s'y faire. et je trouve que ça manque singulièrement de rideaux à fleurs ici. C'est quand même pas la mer à boire d'apporter une ou deux touches de couleur, ça a jamais tué personne. Si on reçoit, que vont dire les gens ? Hein ? Tu y as pensé ? Ah je vous jure, les bonshommes, vous êtes bien tous pareils…

Bruec sentit soudain une sueur mauvaise lui couler le long de la nuque. En réalité, c'est sous forme de glaçon que la sueur perlait des pores crevassés de sa peau et dévalaient jusqu'à la base de son cou comme une petite avalanche. Ensuite, le couloir d'avalanche était balisé vers le fondement par une multitude de soies drues qui orientaient dans leur chute les grêlons de sueur et les faisaient former autant de mini-congères dans le dos du Chevalier Sanglier. Un frisson lui parcourut l'échine aussi, mais ça, c'était pas vraiment à cause de la peur, c'était aussi parce qu'il caillait. Je vous ai dit qu'il faisait froid ? Parce qu'il faisait rudement froid à ce moment là. C'est pour ça.

- Naje,  tu déconnes là ou quoi ?

Chien le regarda longuement et fixement dans les yeux. Au bout d'un temps, qui parut l'éternité à Bruec, elle n'y tint plus, et pouffa.

- Rrrrrrh, ben oui, qu'il est con, oh l'autre hé, comment t'as tout cru ! Alors toi, tu marches pas, t'enjambes, tu jarrettes !

Bruec laissa échapper un long et profond soupir, une exhalaison humide qui se cristallisa aussitôt dans l'air du château et vint s'effondrer au pied des deux guerriers en formant quelques dessins abstraits. De mémoire, un carré, une spirale et un autre qui ressemblait vaguement à un albatros en train de se lisser les plumes.

- Oh putain, t'es con, oh la taurine, va, comment j'ai eu peur ! L'espace d'un instant, j'ai cru que t'étais sérieuse.

Bruec envoya amicalement son poing dans l'épaule de son amie. Sous le choc, il perdit un paquet de plusieurs doigts qui claquèrent au sol avec le bruit de billes tombant sur une dalle en marbre, en tout cas de loin, c'était ce bruit là, on aurait pu confondre. De près, c'était plus un bruit qui ressemblait pas mal à celui de doigt gelés tombant sur un sol en pierre. Sous le coup de la rude tape virile de son compagnon, la main de Chien éclata en une myriade de cristaux vermillons.

- Mince alors, c'est la main avec laquelle je grattais mes croutes.
- Bah, paraît que ça repousse. Allez, viens, on va aller se réchauffer à la forge, tonna Bruec, un grand sourire aux lèvres.
- J'en viens, on va pas réchauffer grand chose, vu que le feu a gelé lui aussi.

Oui, les hivers étaient froids au castel de Broe. Un froid si intense que même les pierres ne trouvaient plus assez de volonté pour bien vouloir se fendre sous l'action du gel. Et le gel n'y trouvait rien à redire, c'était pas un temps à bosser de toute manière.Mais le froid extérieur ne faisait que renforcer les liens chaleureux, le feu de l'amitié qui réchauffait et brulait chaque soir à l'unisson dans le cœur de Chien et de son compagnon le Sanglier.

- Sinon, t'as jamais pensé à faire installer le chauffage central ?
- Le quoi ?
- Naje, rien. Laisse choir. Une idée, comme ça. Dis...t'as pas de l'eau-de-vie qui traîne ?...

1 commentaire:

  1. ah ben c'est rudement fameux.

    allez, dépêche-toi d'écrire un bouquin, que je te fasse un fanfic !

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