jeudi 3 mars 2011

Le jeune Colin - Episode 1

Colin Nadeau était né d’une famille bien sous tout rapport de police. Dans la région, on parlait de lui comme du 13ème à la douzaine, étant donné que si vous demandiez à sa mère, et si elle vous répondait poliment, c'est-à-dire si elle était à jeun, ce qui n’arrivait jamais, elle vous certifiait alors qu’il était le dernier d’une fratrie composée, outre donc Colin, exclusivement de cinq filles et cinq garçons, ce qui après vérification faisait bien douze enfants car chez les Nadeau, on ne comptait pas très bien.  Du reste, compter n’était pas une activité particulièrement utile dans la famille. En matière de compte, on comptait surtout
  • sur les autres
  • sur la providence
  • s'en sortir sans lever le petit doigt
Quoi que certains doigts se levaient plus facilement que d’autres chez les Nadeau , et le petit doigt, à part pour se gratter l’intérieur de l’oreille, n’avait aucune autre activité légale connue.


Alors les Nadeau faisaient tout sans compter, dépenser principalement, et notamment l’argent qu’ils n’avaient pas. Donc, ils l’empruntaient, à la nuance près qu’en de nombreuses occasions le préteur n’en savait rien, ou ne s’en rappelait plus très bien, probablement, à cause du coup qu’il avait pris sur la tête ou dans les parties remises ultérieurement.

Mais les Nadeau avaient une dignité, c’était à peu près sûr. Quelqu’un l’avait vu une fois un jour, en passant loin devant chez eux et l’avait raconté à qui veux-tu en voilà. Et comme ils ne s’en servaient pas souvent, de cette dignité, puisqu’on ne l’a voyait pour ainsi dire jamais, elle devait donc être en parfait état, ce qui faisait des Nadeau des gens biens, à condition de ne pas trop y réfléchir, passez vite au paragraphe suivant, merci.

Les Nadeau remboursaient toujours ceux à qui ils empruntaient, ou en tout cas, ils en avaient l’intention, et ne dit on pas que c’est l’intention qui compte ? Si ! On le dit, et ceci arrangeait bien les Nadeau puisqu’eux même ne comptaient pas. On l’a dit plus haut, soyez attentif. Alors si l’intention comptait à leur place c’était toujours ça de plus en moins à faire. Les Nadeau étaient pragmatiques.

Les manies de la famille étaient connues, et finalement assez pratique d’un certain point de vue. Quand vous aviez perdu quelque chose, de façon quasi certaine, la chose en question se trouvait maintenant chez les Nadeau. Et croyez le, c’était finalement le meilleur endroit au monde pour que vos objets de valeurs soient protégés des voleurs. Les Nadeau faisaient donc un peu office de banque, les quelques différences qu’on pouvait noter entre un établissement financier et leur maison était l’absence de guichet et la présence de molosses. Mais pour le reste c’était identique, on vous y traitait comme de la merde. Et vous en partiez toujours avec des sous en moins plutôt qu’en plus.

Le père Nadeau était un ancien lutteur de foire, ceux là qui d’antan faisaient le poing sur la situation pour occuper les piétons pendant qu’on leur faisait les poches. Quand je dis on, je dis vous, moi j’ai une éthique.
 Il avait commencé sa carrière en étendant à plate couture l’ancien champion en titre après avoir dérobé le contenu de la recette du spectacle du jour. Le manager, fortement impressionné par la manière dont le père Nadeau avait  cassé les deux avants bras de son champion, lui avait aussitôt fait signer un contrat aux petits moignons. Le père avait compris, après plusieurs heures d’explication, que frapper des gens sans autre but que leur faire le plus de mal possible était une activité légale et qu’il ne risquait plus d’échauffourée avec la police. « Tan pi si sait légal alor » se dit en lui le père Nadeau, ce qui vu les dimensions du bonhomme, occasionnait pas mal d’écho avant que la pensée n’arrive à sortir par un orifice quelconque « si chpeu tapé, sait tout ski conte » 

Ceci remontait à bien trente ans maintenant.  Il gardait de cette époque bénie la musculature d’une armoire à glace italienne qu’aurait coulée le long du cornet, et l’intellect d’un enfant de huit ans qui aurait fait plus jeune que son âge. 

La mère Nadeau, on l’a dit ou laissé entendre, buvait tant et depuis si longtemps qu’elle en tomba dans une grande déchéance, à un point tel qu’elle finit par épouser un colosse de foire, c’est dire, l’ayant confondu par mégarde avec une colonne Vendôme. C’est seulement à jeun, c'est-à-dire entre trois et quatre heures du matin, quand elle dort, qu’elle bénéfice de la clairvoyance nécessaire pour se rendre compte que sa vie est misérable, mais comme elle est en train de dormir, et bien à chaque fois, le rendez-vous avec sa conscience est raté. Les médecins assez fous pour avoir osé approcher l’infâme ont pu constater le prodige qu’elle constitue, il s’agit du seul être humain au monde qui boit en dormant.  Entre deux ronflements, elle est capable de siffler toute une bouteille de chianti, au verre s’il vous plait, et sans en mettre une goutte à coté. Certains affirment qu’elle peut même se préparer un blanc-cassis au juste dosage tout en restant dans les bras de Morphée.

Vous comprendrez donc qu’avec pareille œnologie, pardon, généalogie, le jeune Colin aurait fort à faire en matière de combat perdu d’avance contre l’atavisme.

A suivre…

4 commentaires:

  1. ah ben tel verre, tel vice
    (presley, donc).

    bon et la suite, faut que je l'écrive moi-même ou tu comptes nous la livrer un jour ?

    (en fait c'est une question qui n'en est pas une, tant j'ai pas que ça à foutre de talent à écire la suite de ton histoire)

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  2. Ça m'arrangerait bien pourtant =(

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  3. hahaha à suivre, promesse d'ivrogne?

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  4. Ayez "foie" en moi, chère Adrienne !

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C'est là qu'on laisse son petit commentaire, une seule règle : être poli. Oh pi non, on s'en fout !