mercredi 16 février 2011

On ne peut faire confiance à personne, et surtout pas au temps.

Anecdote. Pas plus tard qu’hier, je dormais. En soi, rien d'anormal, je ne fais rien qu'à pioncer. Bon. Quand je fus enfin réveillé, je vis qu’on était ce matin. Putain de merde. Vous n'allez pas me dire que ce n'est pas fort de nesquik ?

Oui, je sais, je n’ai plus de café en plus, désolé, je fais avec ce que j’ai sous le coude.

Ne me dites pas que ce n'est pas traumatisant quand même. Quand vous vous endormez, la veille, vous faites confiance aux choses, à l’environnement. En vous-même, vous vous dites « bon les gars, je vais aller fermer un œil ou deux, voir plus si vraiment je suis crevé, on va voir, mais je compte sur vous pour pas faire du barouf pendant que je pionce » et ben, ça rate pas. Vous vous levez, vous croyez que rien n’a changé, et ben si…PAF, c’est le lendemain ! Un lendemain qui chante, certes, mais la messe des morts.

C'est un peu comme si vous vous endormiez en string et que vous vous réveilliez en combinaison de scaphandrier militaire. L'angoisse. Enfin, moi je m'en fous, je dors tout nu.

Mais quand même, on vous a rien demandé et pi hop on vous balance dans un autre jour pour lequel vous n’avez même pas eu le temps de vous préparer. Moi je l’aimais bien dimanche, pourtant. Déjà le dimanche, j’avais rien à faire, ce qui en terme de planification est assez facile à organiser. Rien foutre : check; pas en branler une : check; lessive pas faite: check; Encaisser un chiche chèque chic : choc !

Oui, je joue avec les mots, c'est ma grande passion, après dormir.

Dimanche, c’est le jour du Seigneur, il parait, alors vu que j’ai eu, comme tout le monde de normal, une éducation judéo-chrétienne catholique de droite, je sais que le bonhomme là haut, le grand barbu, c'est le bon bougre mais il est plutôt du genre susceptible, le genre de gars que tu tapes sur la joue droite et qui t’envoies en passing shot les sept plaids d’Egypte sur la gauche. J'ai rien contre les plaids remarquez, j’ai toujours eu un faible pour les tapisseries orientales. Mais sept d'un coup, franchement je ne saurais pas quoi en foutre. Et c'est mal vu de revendre sur eBay les dons de Dieu, enchères et en os.

Alors le dimanche, et surtout ce jour là, encore plus que tout autre, et comme j’ai beaucoup de piété, j’essaye de ne pas le déranger, le Seigneur. C’est vrai quoi, quand c’est le jour de quelqu’un, sa fête ou je ne sais pas quoi, on lui fout la paix, surtout quand on n’a pas été invité ! C’est une question de politesse. Alors moi le dimanche, je ne sors pas de chez moi, j’ai du respect. Excusez-moi d’avoir du savoir-vivre. En plus, je ne sais pas vous, mais moi j’essaye de pas trop me faire remarquer, en prévision du Jugement Dernier, et là on verra bien à qui il tire la gueule le pacha, et y’en a qui seront peut être surpris des regards en poing dans la gueule qu’ils vont se prendre. Moi j’ai une moralité à toute épreuve de bobsleigh. Jamais fait de tapage le dimanche, ni planté un clou, ni rien. Les autres jours non plus d'ailleurs, je suis un croyant prévoyant. J'ai une éthique religieuse infaillible. Le dimanche, je suis toujours resté bien tranquillement chez moi à rien foutre car en matière de dogme, c'est bon pour la morale comme chantait la compagnie crédule. Oh oui, c'est bon bon.

Aaah, que j’eusse aimé que l’on révérât ainsi Dieu toute la semaine. J’aurais pris sur moi de ne rien faire les six autres jours non plus. Bien sûr, au début ça aurait été dur, j’aurais du me forcer à ne pas aller travailler. J’aurais du exercer mon cœur à l’ascèse de ne rien ramer. N’exercer aucun effort, aucune activité physique ou intellectuelle, bien sûr, la télévision m’y aurait aidé, beaucoup. Mais nous vivons dans un monde de mécréant qui cède aux chimères du consumérisme. Nous ne travaillons plus pour vivre mais pour acheter des biens. Nous ne valons pas mieux que les babyloniens, les sumériens, toutes ces civilisations mortes dans la décadence, nous consommons comme des veaux d’or, epidor. Des cons sumériens, voilà ce que nous sommes.

Mais après le jour du Seigneur, alors, il y a le lundi et le lundi, c’est le jour du patron. Et le patron, à bien des égards, et pas que de l'est, est un autre Dieu. Peut être encore plus puissant que le premier si on y réfléchit bien car lui, le jugement dernier, en un coup de fil aux ressources humaines, et c’est réglé dans la minute. Un carton vous attend dans votre open space flanqués de deux vigiles patibulaires de pas y toucher. Le patron, les quatre cavaliers de l’apocalypse, il les délocalise. Et les frais de fourrage des chevaux, sur un air d'apocalypso, seront maintenant déduits aux frais réel et non plus au forfait.

L'archange Michel, annonciateur de l'Armageddon, sera externalisé, voir déchu de ses fonctions. On sous traitera alors la messagerie à Fedex pour cause d'économies d'échelle, ma grenouille. Les temps sont durs pour tout le monde, même pour les anges, hello ? Payer des emplumés à rien faire qu'a jouer de la harpe ou du flutiau dans les cieux ? Et puis quoi encore ? Bande de hippies, ici on bosse, le paradis, c'était mieux avant. Voilà la semaine des trente saints, cœurs de pierre. Pardon, cœur de Saint Pierre, qui a une oreillette maintenant, et même un costard et des lunettes noires. Ce n'est plus un portail, c'est une porte blindée, avec une enseigne néon par dessus, le Paradise 24/7, "bzzz bzzz" grésille vigoureusement en guise de mot d'accueil le tube fluo récent qui fait office d'enseigne aux quatre vents.

Le paradis c'est désormais un rang social, des loges VIP. Peu importe d'avoir mené une vie digne, on regardera surtout à ce que tu rentres sans basket.

Ou alors il en faut des belles, des pas pour faire du sport. Tiens, je voulais m'acheter une paire de basket pour faire du sport, de la course à pied. C'est mon patron qui me l'a conseillé. "Course à pied ou mise à pied. Mens sana in corpore" qu'il m'a dit mais il se souvenait plus de la fin. In corpore, il avait entendu ça lors d'une réunion du conseil d'administration de la boite, alors ça lui a paru bien.

"Pour plaire à la clientèle, il faut être fit, il a ajouté, et plus fit que ça, même".

Alors comme il fallait faire fit et que le temps presse, j'ai couru. J'ai couru m'acheter des running, what else ? Une enseigne me hante, saignante. Le magasin "courir" chaussures de sport. Mais quelle ironie, c'est exactement ce que je recherche.

Alors je suis entré, et j'ai demandé une paire de basket, jusqu'ici tout va bien. "Pourquoi faire ?" m'a dit une casquette qui était occupée à manger le visage d'un type derrière un comptoir. Sotte question. Pour courir que j'y ai dis, avec le ton surpris du gars a qui on vient de demander pourquoi la main droite est celle qui à le pouce à gauche alors que c'est précisément l'inverse sur l'autre main.

Et là, des yeux sont apparus sous la casquette, des gros yeux ronds et incrédules que tentaient de noyer sans succès une crinière léonine. Il me soupesa du regard, estimant que je devais boxer dans la catégorie des cent-trente kilos en matière de grossièreté et d'indigence stylistique. Une fois que l'œil du tigre eu fini de m'analyser, sa bouche rugit soudain : "vous vous êtes trompé d'établissement monsieur ! Nos chaussures ne sont pas faites pour courir mais pour afficher ce que vous êtes, pour parfaire votre look, et montrer à la face bouquée du monde votre statut social, pour affirmer le fauve carnassier, le félin racé qui est en vous".

Surpris par la rudesse de la réponse, je le défigurai, ou tout du moins, le dévisageai, mais j'étais énervé.

"J'ai un félin en moi ?" miaulai-je à son intention. Il feula sa réponse :

"Non Monsieur. Fauve qui peut, mais pas vous, non, pas même un chaton chez vous ! Si on vous voit vous démener dans NOS chaussures, qu'en dira t'on ? Suivez-moi bien : Si vous courez, c'est que vous êtes pressé, si vous êtes pressé, c'est que vous n'avez pas assez d'argent pour prendre le temps de vivre, et si vous ne prenez pas le temps de vivre, c'est fort logiquement que vous êtes mort, monsieur. Or, notre politique de vente est formelle, nous ne vendons pas aux morts. Aussi, ayez l'obligeance de sortir en prenant soin de ne pas perdre votre sang, hélas, froid."

La casquette s'est alors remise imperturbablement à finir de manger le visage du jeune homme.

Cette discussion m'avait hérissé le poil, j'aurais bien, à ce vilain chat, botté le train, l'arrière train et même le hall de gare tout entier tant j'étais vexé. Mais je ne savais pas de quoi il était capable. Il était impossible de s'entendre avec ce genre de lion sot, voilà tout. Nous n'étions pas félin pour l'autre, surtout moi en fait. Je baissais donc mes oreilles et sorti la queue entre les jambes.

Demain serait un autre jour, je le savais. Mais j'espérais chaque fois secrètement que ce serait un dimanche, bien que je fusse déçu environ six fois sur sept. Quand je vous dis qu'on ne peut faire confiance à personne, et surtout pas au temps…

2 commentaires:

  1. on ne peut pas non plus faire confiance à ce blog, semble-t-il ;-)
    le comm' que je voulais mettre ici se trouve sous l'article "endive" du 14 février...
    allez hop, je retape courageusement les formalités d'usage dans les petites cases...
    et je sors!

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  2. Merci de ton abnégation Adrienne ! Je vais voir si j'arrive à faciliter un peu toutes ces démarches administratives.

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C'est là qu'on laisse son petit commentaire, une seule règle : être poli. Oh pi non, on s'en fout !